"Ce n'est pas parce qu'on va tous y passer qu'on ne peut pas en parler !" Tel est le slogan de Stéphane Durand, auteur de Gimme Mort, la passionnante newsletter qui démystifie la fin de vie. Rencontre avec un auteur qui dead ça.

Salut Stéphane, comment te présenterais-tu à un inconnu dans la rue ? D’abord, je dirais “Bonjour”, je m’appelle Stéphane. Et ensuite, je ne dirais pas grand-chose pour deux raisons : je n’aime pas cette manie française de se présenter et de se définir par son métier et également, parce que je ne dis rien de personnel à un inconnu croisé dans la rue.
Quel est ton parcours ?
J’ai commencé ma carrière en tant que journaliste photo avant d’écrire pour la rubrique culture/société. J’ai notamment travaillé pour Vogue, Grazia et Stylist. J’ai également un peu travaillé pour la télévision puisque j’ai bossé sur le casting des Chtis à Ibiza notamment. Et puis, à l’arrêt de Stylist, j’ai décidé de changer de voie et de m’orienter vers le monde funéraire. On va donc dire que j’ai un CV particulier.
De Vogue aux Chtis en passant par Stylist pour finir dans les pompes funèbres, c’est pas le chemin le plus traditionnel.
C’est vrai. Mais je pense faire partie d’une génération qui déconstruit beaucoup de choses comme le genre, la sexualité ou encore la race. La mort est un sujet qui n’est jamais réellement abordé alors qu’on y est tous confrontés à un moment ou à un autre. Je pense qu’en France nous avons un rapport un peu sombre à la mort, peut-être dû à notre laïcité. J’avais, sans prétention, l’idée de changer un peu la façon de faire du milieu, qui est très industrialisée. On considère toutes les morts de la même façon, ce qui n’est pas, à mon sens, la meilleure façon de rendre hommage aux personnes qui nous ont quittées. Mais bon, il y a un monde entre l’idée que j’avais et les réalités d’un milieu très conservateur où les lobbies sont très dominants.
C'est-à-dire ?
Mes cheveux longs, mes tatouages et mon refus de porter la cravate m’ont fermé beaucoup de portes, ne serait-ce que pour un stage. Quant à mes proches, il y a eu une petite incompréhension, car le funéraire est un milieu qui peut sembler glauque à première vue. Mais bon, ça ne l’est pas plus que ça. Par exemple, quand j’entends que parfois au lycée, on conseille à des gamines de devenir infirmière, je me dis que c’est beaucoup plus dur que de bosser dans le milieu du funéraire. Rien qu’en Ehpad, c’est un mort par jour et en direct. Et dans les hôpitaux, les infirmières font vraiment un job ingrat. Mais bon, en France on appelle les employés du funéraires des “croque morts”....
La mort est-elle le sujet tabou ultime ?
Oui et non. Je dirais plutôt que nous sommes plutôt dans le déni. C’est comme quand on mange de la viande, on connaît L214, on sait que la souffrance animale existe et pourtant, on passe inconsciemment outre pour faire comme si ça n’existait pas et savourer notre plat. La mort, c’est pareil. Je pense d’ailleurs que ça s’est accentué avec le fait que le décès est désormais déconnecté du foyer. On meurt à l'hôpital, tout est plus ou moins médicalisé. Je ne dis pas que c’est mal, mais c’est une évolution. Avant, par exemple, il y avait des veillées funéraires, où le défunt pouvait rester au domicile pendant quelques jours avant l’enterrement. Aujourd’hui, ça nous semble impensable et limite traumatisant d’imaginer qu’on laisse un défunt revenir chez lui quelques jours avec le chat qui dort à côté. Sauf que moi, j’aimerais qu’on me ramène un peu chez moi avant d’aller au cimetière. Mais bon, je ne serai pas là pour voir.
Et c’est pour ça que tu as créé Gimme mort, ta newsletter ?
J’ai voulu utiliser le journalisme qui m’a bercé pour parler de ce sujet et le déconstruire, pour comprendre notre rapport si compliqué à la mort, et l’expliquer, dédramatiser et montrer qu’il n’y a pas qu’un modèle. Par exemple, tout le monde sait comment se passe un mariage juif ou musulman, mais quid d’un enteremment ? Je pense qu’il y a un vrai travail d’éducation à faire là-dessus, sur la gestion du décès, sans donner de leçon ni rien, simplement instruire et déconstruire. C’est tout l’objet de mon travail sur la newsletter.
Tu viens de la presse écrite. Pourquoi te mettre à la newsletter ?
La liberté totale, l’indépendance. En presse écrite, tu dois passer un tas d’étapes avant qu’un de tes papiers soit accepté, publié comme tu le veux etc. Être mon propre boss, je trouve que ça me correspond davantage et que c’est plus cohérent avec ma volonté de rester libre.
C’est quoi ta routine d’écriture ?
J’habite à Marseille, j’écris le matin, sur le bureau, dans ma chambre, avec le bruit des cigales en fond. Et sinon, j’avoue, je prends le train pour écrire. Je ne dirais pas que je prends des billets de train pour être sûr d’écrire à cause du manque de réseau, mais on en est pas si loin.
C’était quoi tes influences artistiques ?
Je n’ai pas de modèles artistiques. J’aurais pas envie de les copier. Si je fais ma newsletter, c’est parce que c’est nouveau. Donc je n’ai pas vraiment d’influence à ce niveau. En fait, je suis surtout influencé par les gens qui m’entourent, leurs réactions, les conversations que je peux avoir avec eux ou capter, et ça peut-être ma boulangère. Vraiment.
Si tu devais sauver 3 œuvres de ta bibliothèque ?
Essais sur l'histoire de la mort en occident de l’historien Philippe Ariès, L'homme et la mort d’Edgar Morin, philosophe et sociologue incontournable, et… Mon père a tué ma mère d’Afida Turner, qu’on ne présente plus.
Tu serais flatté que …. adore ce que tu fais ?
Sans mentir, tout de suite, je pense à Afida Turner.
Tu serais emmerdé que …. Adore ce que tu fais ?
Dans le gouvernement, il y en a pas mal. Prenons le pire, Darmanin, lui ça m’emmerderait pas mal.
3 arguments imparables pour s’abonner à Gimme Mort ?
C’est 2€ / mois, soit le prix de deux cafés.
Tout le monde se plaint de la presse dépendante aux mains des riches milliardaires et des annonceurs. Là, c’est tout l’inverse.
Et mon slogan : Ce n'est pas parce qu'on va tous y passer qu'on ne peut pas en parler.
Retrouvez ici Gimme Mort, la mortelle newsletter de Stéphane Durand.
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